Il fût une époque où traquer le cool pouvait se résumer à aller voir ce qu’il y avait chez Colette. Ouverte à une époque où tumblr et les blogs spécialisés n’existaient pas, l’enseigne parisienne avait préempté l’idée de tenir le rôle de curateur de tendances, d’être une plateforme privilégiée de l’audace et de la création, au point d’être la mère de tous les concept-stores contemporains. Or au regard de certains labels vendus dans le temple du cool ces derniers temps, on est en droit de se demander par quelle fenêtre est passée l’exigence et la sélection.
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Par exemple, nous pensons que cette vidéo symbolise une jeune marque pas encore mature. Brooklyn We Go Hard, jeune marque française dont l’étincelle fondatrice est prometteuse (les fondateurs sont passionnés de mode et de photographie et entendent traduire leurs inspirations dans la marque) tente le coup de génie en invitant à sa table de montage quelques personnalités bien connues des publics branchés: Ludovic Zuili, Karl Hab (un habitué de la maison Colette, comme le précise Hypebeast, vous suivez?), Solweig Rediger-Lizlow qu’on aime beaucoup (…), mais aussi Jeanne Damas (égérie de Costume National entre autres). Pourtant, éclaboussant par le seul coup de l’épée dans l’eau, le clip ne parvient pas à nous accrocher. La faute à une narration maladroite, une égérie hésitant entre humour et conviction à la recherche de son talent, des images propres mais sans charme ni saveur. Alors on n’est pas vache, on ne critique que parce qu’on croit que Brooklyn We Go Hard et tous les talents en jeu dans ce clip ont un formidable potentiel de nous faire rêver.
Mais dans la mode contemporaine, on trouve qu’être validés par Colette n’est plus un gage d’orientation géniale. A l’époque où ranger de front street culture et design de luxe était encore un manifeste révolutionnaire, il y avait sens à venir faire du skate devant Colette. Mais lorsque Brooklyn est devenu le ‘hood de tout jeune branché qui se respecte même s’il n’y a jamais encore mis les pieds, au moment même où How To Make It In America fait figure de dernier horizon pédagogique pour les gamins de la pop culture, BWGH aurait gagné à fréquenter plutôt les parrainages modernes d’une mode en régime slow & easy, smart & arty. Une mode mondiale mais moyenne car plus inspirée par le savoir-vivre de Copenhague ou Sydney que par le tumulte niais d’une métropole de pacotille.
Alors que Merci, Frenchtrotters, Centre Commercial, LN-CC ou Ra13 inventent une nouvelle culture citadine, leur mère à tous Colette fait figure de musée de la coolitude post-moderne plus qu’autre chose. L’exclusivité n’est aujourd’hui plus une question de signature ou de collaboration entre des noms sexy « vus dans Vogue » mais plutôt une question de conception de marque. L’ironie est cruelle, la reine des concept-stores ne comprend plus les concept-labels. On encourage donc vivement Brooklyn We Go Hard à pousser les retranchements de leur idée plus loin, à raconter un monde plus complexe que celui de deux Niggas in Paris, par exemple.